08/06/2010
François de Grossouvre et François Mitterrand
Le dernier mort de Mitterrand
Raphaëlle Bacqué
Grasset et Albin Michel
Mitterrand fait vendre, même plus de dix ans après sa mort.
Les éditeurs avaient fait parlé même son labrador (deux tomes), il fallait aussi faire parler le cadavre de François de Grossouvre, retrouvé suicidé dans son bureau de l'Elysée.
François Mitterrand était un personnage romanesque. François de Grossouvre aussi, bien avant son suicide. "Avec Grossouvre, le romanesque est entré dans l'aile ouest de l'Elysée" (Erik Orsenna).
De Grossouvre (dont les ancêtres s'appelaient Durand), avait beaucoup d'argent, surtout du fait de son mariage. Il s'ennuyait. Fasciné par Mitterrand, il n'a pas hésité à mettre de l'argent dans les campagnes électorales de son ami, à qui il a fournit également une cachette (son manoir) puis une autre (Gordes), pour sa liaison avec Anne Pingeot. "Le sel de notre vie, ce sont nos secrets" (FM).
Compagnon des mauvais jours, il veut, à partir de 81, sa part, non pas d'argent, mais de responsabilités, sa place dans l'ombre du Président, avec un tempérament jaloux qui va le perdre. Il sera "le ministre de la vie privée", veillant sur Mazarine, sa filleule.
François Mitterrand ne pourra pas lui pardonner de la mettre en danger par des déclarations ou des invitations intempestives, chez lui, juste à côté de chez Anne et Mazarine de "tout ce que la presse compte d'enquêteurs", et tout cela pour dire du mal du Président. "Lorsqu'il n'en peut plus de sa solitude, il appelle les journalistes. Ceux qu'il sait opposés à François Mitterrand". Fondateur d'"Urba", alors pompe à finances du PS, il se fera un plaisir d'expliquer au juge Thierry Jean-Pierre, ami du vicomte De Villiers, tout le mécanisme du financement et des commissions.
C'est dès 1985 qu'il cesse d'être conseiller du Président, même s'il garde un bureau au palais, et que le vide se fait autour de lui. Raphaëlle Bacqué parle d'"effondrement moral".
Ce qui est important dans le suicide de Grossouvre, c'est sa date : un an après celui de Bérégovoy, un an avant la fin du second mandat de Mitterrand. Il parait que beaucoup de suicides ont lieu par peur de la mort. De Grossouvre savait qu'il allait devoir quitter son bureau de l'Elysée, qu'il ne serait plus le grand maître des chasses présidentielles, qu'il allait devoir quitter Paris, et n'aurait plus de prétexte à sa double vie.
"C'est la seule façon qu'il ait trouvée pour continuer à exister dans l'histoire de ce président aimé follement".
"Je sais où commence la flatterie. Elle ne finit nulle part" (François Mitterrand)
08:39 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique
06/06/2010
Du sang sur Vienne
Du sang sur Vienne
Frank Tallis
10/18 « Grands détectives » n°3983
Vienne, au début du XXe siècle, une atmosphère bien dans la ligne de « L’homme sans qualités » de Musil. L’Empire austro-hongrois est malade de ses divisions entre nationalités. Le pangermanisme prend son essor. Les hommes se tuent en duels pour préserver leur honneur. Le fossé entre classes sociales est immense.
L’auteur est docteur en psychologie, spécialiste des troubles obsessionnels, donc tout à fait habilité à imaginer une série de crimes liés les uns aux autres. Le policier se fait aider par un psychiatre émule du Professeur Freud, en butte au scepticisme…et à l’antisémitisme, ainsi que par une scientifique, adepte de la théorie de Mr Darwin, et qui lui fait profiter des balbutiements de la police scientifique.
Il y a de l’action et des rebondissements. Il y est, beaucoup, question de musique (Mozart), de peinture (Klimt) et, un peu, d’amour, de l’égalité hommes/femmes et de franc-maçonnerie (interdite par l’Empereur Joseph II, qui avait également prescrit que les synagogues soient dissimulées aux regards).
Tout cela permettra de découvrir la « logique » du criminel, et donc de l’arrêter.
Un bon roman policier, intellectuel, avec un vocabulaire qui nécessite parfois un dictionnaire.
« En dépit de notre propension à explorer et à habiter divers milieux naturels -ce qui, inévitablement, a donné lieu à quelques adaptations superficielles –nous restons une seule et même humanité »
« Parmi toutes les créatures terrestres, seul l’homme peut et doit travailler à son amélioration »
09:12 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
03/06/2010
100 dessins
100 dessins pour Haïti
Casterman
Surtout ne pas oublier Haïti. Montrer que l'on ne l'oublie pas, et que les promesses d'aide à long terme doivent être tenues.
Les bénéfices de la vente de ce livre seront versés, via la "Fondation de France", à des projets concrets en Haïti. Une goutte d'eau dans la mer, peut-être, mais, en plus du sentiment, agréable de faire une bonne action, le plaisir de découvrir, puis de revoir ces 100 dessins de talents.
"Y'a trop de souffrances, pas facile de trouver un gag", dit l'un des dessinateurs. Certains n'essaient pas et montrent leur sensibilité. D'autres osent l'humour, au détriment des "Occidentaux", Sarkozy ou les Américains en particulier.
Certains dessins sont incontestablement percutants : "La liste des médicaments ? Non, la liste de vos obligations en échange de notre aide !".
Je ne vais pas vous les décrire, le mieux est que vous achetiez ce livre.
Pour 14 euros, vous en aurez pour votre argent, et les Haïtiens aussi.
08:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : haïti
30/05/2010
crimes et loges
Le convent du sang
Alain Bauer et Roger Dachez
Editions JC Lattès
Alain Bauer et Roger Dachez possèdent toutes les qualifications pour parler de l’Histoire de la Franc-maçonnerie.
Ils nous entraînent à Lyon, en 1778 (début du règne de Louis XVI), à l’occasion d’une grande réunion (un « convent ») des principaux responsables de la maçonnerie des régions voisines de Lyon.
Des décisions doivent être prises concernant quatre problématiques (et non pas trois points) engageant l’avenir de l’obédience :
1) Faut-il continuer à se réclamer de l’héritage des « Templiers » ? Héritage spirituel controversé puisque condamné à la fois par l’Eglise et par la royauté. Mais fantasme de l’héritage financier (ce que les « Hospitaliers de l’Ordre de Malte » n’ont pas récupéré), qui, encore aujourd’hui, fournit le prétexte à la publication de nombreux romans. Aucune preuve de cette filiation n’ayant jamais été apportée, elle sera donc abandonnée.
2) La maçonnerie doit-elle être « théurgique », c'est-à-dire avoir pour but de susciter des manifestations tangibles d’esprits « supérieurs » ? Le but final étant de « réintégrer » l’homme dans l’immensité divine. Les auteurs moquent ces croyances de dialogues avec l’au-delà. Croyances qui resteront très en vogue au XIXe siècle, même l’immense Victor Hugo se laissant prendre aux délices des esprits frappeurs et guéridons qui tournent.
3) La maçonnerie doit-elle être « révolutionnaire » ? C’est « l’école » des « Illuminés de Bavière », qui luttent contre l’ordre établi, le clergé et les princes, pour l’émancipation, par l’organisation de sociétés secrètes (autre croyance qui perdurera au XIXe siècle).
4) Faut-il se soumettre à la « Grande Loge d’Angleterre », et assurer sa prééminence sur la maçonnerie européenne ? Comme toutes les institutions humaines, la Franc-maçonnerie est l’enjeu de luttes de pouvoirs. Jusqu’aux meurtres ?
Afin de ne pas nous infliger un cours d’Histoire, et de Philosophie, maçonniques, les auteurs habillent ces problématiques d’un roman policier…et, malheureusement, ça ne marche pas !
Pas de suspens, pas de véritable enquête policière sur les morts suspectes qui interviennent à l’occasion du Convent, pas une once de crédibilité. Au final : une déception.
10:43 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
29/05/2010
Direction l'Afrique du Sud
13 heures
Deon Meyer
Seuil policiers
Bientôt la Coupe du Monde en Afrique du Sud : bon prétexte pour lire des auteurs de ce pays attachant.
J’ai déjà écrit tout le bien que je pense de « Lemmer l’invisible » de Deon Meyer (« Points » n°2290).
Son dernier livre « 13 heures », est encore plus fort : tout commence à 5 heures 36 sur les hauteurs de la ville du Cap : une femme est poursuivie par des tueurs. Elle demande à une passante de prévenir la police, ce qui écourtera la nuit de l’inspecteur Benny Griessel.
Pendant 13 heures, d’où le titre du livre, un véritable suspens se construit, qui nous prend et qui nous tient : le policier parviendra-t-il à sauver la jeune femme, et, accessoirement, qui veut la tuer et pourquoi ?
Comme la police n’a pas que ça à faire, d’autres évènements, d’autres enquêtes, viendront perturber les recherches et l’action du policier, comme parfois les nécessités de la vie nous obligent à poser ce livre que nous ne voudrions pas lâcher.
Comme toujours avec Deon Meyer l’enquête policière est l’occasion de nous montrer l’Afrique du Sud postapartheid « où personne ne veut oublier le passé ». S’il y a des problèmes dans la société entre blancs, anglophones ou afrikaners, métis, noirs, zoulous, xhosas ou d’autres ethnies, comment cela ne se reflèterait-il pas au sein de la police, où doit s’appliquer la « discrimination positive », en attendant l’égalité…
Est évoqué également le problème des immigrés illégaux, qui ne sont pas Nigérians, pour une fois dans un roman sud-africain.
La description du fonctionnement de l’industrie du disque est également intéressante.
« La différence (avec l’enregistrement d’un disque), c’est que dans la vie, il n’y a qu’une prise »
« Elle est tellement énorme que quand elle se pèse, la balance doit afficher « à suivre …»
« Elle était forcément en sécurité avec quelqu’un qui aimait les livres »
« Il y a un autre pouvoir qui est totalement irrésistible…Le pouvoir de donner du pouvoir »
12:16 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature