11/07/2007
Petit traité de manipulation (techniques)
à l'usage des honnêtes gens
(Suite)
Les principales techniques de manipulation
L'amorçage :
C'est une technique qui consiste à amener une personne à prendre une décision en lui faisant miroiter des avantages fictifs, en l'appâtant par des propositions affriolantes, un ou plusieurs leurres, et en lui cachant certains inconvénients.
Par exemple : amener quelqu'un(e) sur une liste en lui affirmant qu'elle est parrainée par l'actuel et l'ancien Président du Conseil général, qu'un important entrepreneur local sera n°2 de la liste, et en cachant le fait qu'être candidat(e) sur une liste dissidente entraîne immédiatement l'exclusion du parti.
Cette technique a un avantage pour le manipulateur : toutes les expériences montrent, malheureusement, que la décision n'est quasiment jamais remise en question par la personne manipulée même quand elle prend connaissance de la tromperie.
Elle présente l'inconvénient d'impliquer un, ou plusieurs mensonges, et/ou de dissimuler une partie de la vérité.
Le "pied dans la porte"
C'est la technique préférée des manipulateurs. Elle consiste à obtenir du manipulé un comportement préparatoire non problématique et peu coûteux pour, dans une deuxième phase, après l'avoir gratifié, l'amener à des actes de plus en plus difficiles et engageants, par exemple à être sur une liste aux élections.
La "porte-au-nez"
Cette technique consiste à formuler une requête trop importante pour qu'elle soit acceptée (demander l'impossible) avant de formuler la requête qui porte sur le comportement attendu. Elle repose donc sur un refus initial. Tous ceux qui ont marchandé dans un souk connaissent bien cette méthode qui consiste à formuler une première proposition exorbitante, puis à faire passer le manipulé d'une position initiale de refus à une position d'acceptation par un jeu de concessions réciproques.
Exemple : "tu veux être adjoint au maire ?" "Sur la liste en position non éligible, alors..."
Crainte puis soulagement
On fait peur, puis on réduit le danger.
Par exemple : "On fait une liste aux municipales, mais il n'y a pas de place pour toi", puis : "il y a une place, mais pas dans les 10 premiers".
Moi je m'en fous, je n'ai pas peur de ne pas être sur une liste...
L'étiquetage
Technique bien connu depuis la fable du corbeau et du renard ("tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute"). On donne une belle réputation à mériter. Technique de base dans l'éducation des enfants. Ne pas abuser avec les adultes. Tout le monde (sauf ma femme) adore les flatteries, mais il ne faut pas forcer sur la "brosse à reluire", pour rester crédible.
Plusieurs techniques de manipulation peuvent être combinées ("pied dans la porte" + "étiquetage"), mais l'essentiel est que la personne manipulée ait toujours le sentiment de rester libre de sa décision.
Il existe d'autres techniques, mais je les garde pour moi, afin de mieux vous manipuler...
09:25 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3)
07/07/2007
Le Baillage
Corps de garde
Aire-sur-la-Lys
Gérard Aubert et Jean Fournier
Atelier galerie éditions
En vente à l'excellente librairie du Baillage
Le baillage est, incontestablement, un des plus beaux édifices, non seulement d'Aire-sur-la-Lys mais de la région.
Qu'il ait été un corps de garde importe peu : il a abrité le Bailli et son tribunal, il gardera donc le nom de "baillage" et mérite ce superbe livre, magnifiquement illustré, 100% airois par ses auteurs, son éditeur, son imprimeur.
Le livre commence par la visite de la Duchesse de Berry en 1825.
Les auteurs, historiens, auraient pu insister sur l'importance du personnage en cette année là. Marie-Caroline de Bourbon-Sicile n'est pas seulement la fille du Roi de Sicile, la veuve de Charles-Ferdinand de Bourbon, duc de Berry, fils de Charles X.
En 1825 Charles X vient d'accéder au trône, après ses deux frères Louis XVI et Louis XVIII. Le seul héritier légitime de la couronne de France est le fils de la Duchesse de Berry, un enfant de quatre ans. Elle serait devenue, en cas de disparition du vieux Charles X, la Régente du Royaume...
Pour bien comprendre l'évènement, au risque de heurter les puristes, il faudrait imaginer la visite, à Aire-sur-la-Lys, de la Princesse Diana, au moins !
La conclusion est intéressante : elle souligne que l'édifice est le reflet de la gloire communale airoise au temps de la Renaissance, qu'il est la preuve de l'influence italienne sur les artistes flamands de l'époque (ne jamais oublier qu'à ce moment là Aire fait partie de la Flandre méridionale et est administrée par Bruxelles pour le compte d'Isabelle, infante d'Espagne, fille de Philippe II, petite fille de Charles Quint).
Les auteurs, remettant la construction de l'ouvrage dans le contexte religieux de l'époque, se demandent, très justement, si les sculptures allégoriques qui ornent le baillage ne s'inscrivent pas dans le programme de reconquête spirituelle et politique de la "Contre-réforme" catholique, menée par les Espagnols (qui viennent de créer les Jésuites pour cela), face à l'extension de la "Religion prétendue réformée", en reprenant l'enseignement traditionnel de l'Eglise de Rome sur les vertus cardinales et théologales. Gérard Auber et Jean Fournier posent la question : "si les vertus théologales et cardinales sont les bannières de la Contre-réforme, leur association avec les quatre éléments n'illustre-t-elle pas une ébauche de réponse sur le rôle et la place de l'Homme dans sa recherche cohérente des finalités du monde naturel, surnaturel et social ?".
Entre l'introduction et la conclusion, se trouve une savante description du baillage. Trop savante sans doute pour les lecteurs qui ne sont pas plus que moi des spécialistes des armes de l'époque, ni d'architecture de la renaissance.
C'est le seul bémol : le glossaire qui se trouve à la fin est tout à fait insuffisant et il m'a fallu plus de trente fois faire appel aux dictionnaires (mon petit Larousse ne pouvant pas faire face à chaque fois).
Ce livre valant la peine de l'effort, pour aider les lecteurs, j'ai fait mon propre glossaire, certains mots revenant à plusieurs reprises :
arcature : suite de petites arcades
arcs doubleaux : sorte d'arcade qui soutient une voute
arcs formerets : arcs recevant la retombée d'une voute
armillaire : se dit d'une sphère composée d'un assemblage de cercles qui représente le ciel et les astres
armet : casque
attique : partie supérieure du bâtiment
batardeau : digue
Bellone : déesse romaine de la guerre
bossage : saillie en pierre
bourguignotte : casque
bretèche : créneaux en haut d'une fortification
cariatide : statue soutenant une corniche
écheu : rigole qui recueille l'eau
hermès : statue d'un buste coupé par des plans verticaux
lancéolé : en forme de lance
métope : intervalle entre deux groupes de trois cannelures
mézail : élément mobile d'un casque (visière)
palmettes : ornement d'architecture en forme de feuilles de palmier
pertuisane : sorte de hallebarde
pilastre : pilier dans un mur
quillon : éléments de la garde d'une épée
rinceaux : ornements en forme de feuillages enroulés
roncone : arme offensive ressemblant à la pertuisane, donc à une hallebarde ; sa caractéristique est que les "oreillons" de chaque côté de la pointe sont fortement recourbés, vers le bas ; la roncone était surtout utilisée en Italie (preuve tangible de l'influence italienne dans la Renaissance)
rondache : bouclier circulaire
rudenture : ornement à l'intérieur d'une cannelure
tailloir : partie supérieure d'une colonne
triglyphe : ornement de la frise
tympan (d'une fenêtre) : panneau entre les moulures
vertus théologales (consacrées à Dieu) : la foi, l'espérance, la charité
vertus cardinales : justice, prudence, tempérance, force
voussoir : pierre taillée en forme de coin, dans une voute
voûtain : élément d'une voûte ; si j'ai bien compris, c'est la partie de la voûte qui permet son adhérence au mur.
09:25 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (14)
05/07/2007
Petit traité de manipulation (suite)
A l'usage des honnêtes gens
(Suite)
Comment éviter d'être manipulé(e)(s) ?
En conclusion de leur livre, les deux universitaires, chercheurs en psychologie sociale, donnent quatre conseils pour éviter d'être manipulé(e)(s) :
1) connaître les stratégies de manipulation (il faudra donc y revenir) ;
2) apprendre à revenir sur une décision, ce qui est plus difficile qu'on ne l'imagine, de nombreuses manipulations reposant sur la tendance des gens à s'accrocher à leurs décisions, même s'ils se rendent compte qu'ils ont été trompés ;
3) savoir considérer deux décisions comme indépendantes, en se méfiant des effets d'entraînement ;
4) évaluer sa liberté à sa juste valeur, car une personne ne peut être efficacement manipulé que si elle éprouve un sentiment de liberté.
A suivre...
08:45 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)
30/06/2007
African psycho
Alain Mabanckou
Editions : Le serpent à plumes
J'ai déjà parlé d'Alain Mabanckou, et de son excellent "verre cassé", étape décisive dans sa montée en puissance vers l'obtention du prix Renaudot cette année.
"African psycho" était son cinquième roman, et le lecteur sent bien qu'un écrivain de talent était en train de naître.
C'est l'histoire d'un psychopathe, africain, velléitaire et sans talent, qui cherche dans le meurtre gratuit à donner un sens à sa vie.
Comme souvent dans les romans africains, l'aventure est une bonne occasion de décrire les problèmes de la société, en l'occurrence non pas la société traditionnelle rurale, mais les banlieues de taudis où l'on s'efforce d'être tout de même fier de son quartier où "celui-qui-boit- de- l'eau-est-un idiot".
Une société dont les membres ne se voient aucun avenir et sont pourtant à la recherche de leur "quart d'heure de gloire", comme tout le monde, mais non de chance de le trouver que dans le crime.
14:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
29/06/2007
Journal d'une curée de campagne
Michèle Stouvenot
Editions Plon
Michèle Stouvenot est journaliste au Journal du Dimanche, et quand il m'arrive de lire ce "quotidien du dimanche", je ne manque jamais son "billet", juste à côté du dessin de Wolinski. Je dois même dire que ce sont les deux choses que je préfère dans le JDD.
Michèle Stouvenot a le sens de la formule, du jeu de mots et de la dérision.
Elle raconte, avec le prisme de l'humour, la campagne présidentielle, "qui ressemble davantage à un polar noir qu'à un catéchisme", comme un feuilleton plein de rebondissements, pour cette "curée" ("lutte avide pour s'emparer d'un pouvoir vacant", selon le dictionnaire), entre deux candidats "people" (Gala contre Voici, avec Match en arbitre), avec des rappels amers, par exemple Kouchner déclarant "être de gauche, c'est s'efforcer de ne pas tromper" ou assassins, des citations venant généralement non pas d'adversaires mais "d'amis" ("Ségolène, la maldonne du PS", "l'image sans le son", "Egolène", "le charisme de Ségolène, c'est qu'elle n'en a pas"- cette dernière citation étant de François Hollande, expert en la matière, "J'ai l'impression de promener la Reine d'Angleterre" ; en face ce n'est guère mieux : "Sarkozy c'est Néron qui met le feu à Rome et pleurniche sur les flammes", "ce n'est pas parce que le renard se couvre de plumes qu'on va le prendre pour un poule"- François Bayrou qui selon Chirac "pète de vanité"), des anecdotes peu connues (Sarko demandant un sondage pour savoir si les Français étaient prêts à élire un mari trompé - curieux que Ségolène n'ait pas demandé le même au féminin...).
Michèle Stouvenot rappelle que début janvier Ségolène était encore en tête dans les sondages du premier tour et gagnait au second.
En janvier, elle a voyagé, et ses voyages ont été caricaturés ("chaque fois que Madame Royal franchit les frontières, elle passe les bornes" a déclaré un député UMP, et c'est l'impression qui est restée, malheureusement et injustement).
Et puis il y avait le problème des relations avec le Parti en général et avec son Premier secrétaire en particulier, dont un proche déclare : "tant que durent les élections il se veut irréprochable. Une fois passées, il reprendra sa liberté, il quittera Ségolène", déclaration totalement passée inaperçue, mais peut-être est-ce Ségolène qui l'avait déjà quitté ?
En conclusion, pourrait se trouver l'affirmation d'un député européen anonyme : "la politique aujourd'hui c'est ça : dire des généralités, être plat, ne faire aucune analyse personnelle, employer un langage judéo-chrétien".
Je préfère le mettre sous forme de question car il y a aussi, malheureusement, en pire, le cynisme triomphant, par exemple celui de Sarkozy déclarant : "Depuis que j'ai lancé l'idée d'un ministère de l'immigration, j'ai pris six points dans les sondages" et osant dire que "c'est Mai 68 qui a introduit le cynisme dans la société".
A moins de s'en tenir à l'angoissante question de Bernadette : " Mais qu'est-ce que je vais faire de Jacques toute la journée ?", ou pour mes camarades socialistes à cette remarque de l'un des nôtres : "l'unité des socialistes, c'est comme la Sainte Vierge, si elle n'apparaît pas de temps en temps, le doute s'installe" !
(Toutes les citations sont extraites du livre)
09:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)