22/09/2007
La reine crucifiée
La reine crucifiée
Gilbert Sinoué
Editions : Albin Michel
1340 à 1357 : Portugal
C'est l'histoire d'un amour interdit et qui donc durera "jusqu'à la fin du monde", basée sur un fait historique : en 1355, le Roi du Portugal, Alphonse IV fait assassiner Inès de Castro que son fils, le futur Roi Pierre 1er "le justicier", avait épousée en secret, en deuxième noce, car Alphonse craignait de voir contestée la succession promise au fils né du premier mariage, avec l'Infante de Castille, gage de paix entre la Castille et le Portugal.
En toile de fond, deux évènements historiques qui se préparent, mais qui n'interviendront qu'à la fin du siècle suivant :
- la "Reconquista" de la péninsule ibérique, retardée par les luttes incessantes entre pères, fils et cousins de Castille et du Portugal ;
- les grandes découvertes facilitées par les "caravelles", ces nouveaux bateaux, par le mythe du "prêtre Jean" (Umberto Eco en a beaucoup parlé dans "Baudolino"), supposé régner sur un royaume chrétien, très riche, permettant de prendre à revers les infidèles qui occupent la "Terre sainte" (le dernier fief des "Croisés", Saint Jean d'Acre est tombé en 1291), et surtout par la redécouverte de travaux de Ptolémée, et de Platon, qui démontraient que la terre est sphérique, alors que "l'Eglise occulte tout ce qui a été scrupuleusement élaboré par les géographes grecs de l'Antiquité".
Le roman se déroule également sur fond de lutte entre les "Gibelins", partisans du Pape, et les "Guelfes" qui contestent sa suprématie, ainsi que de la lutte, au sein des Franciscains, entre les "conventuels" (les "institutionnels") et les "spirituels" (ceux qui réclament pour les "frères" un état de pauvreté absolue : voir ma note sur "Le complot des Franciscains").
C'est un roman chevaleresque, ou les batailles se gagnent grâce à la bravoure et la témérité d'actes héroïques personnels.
Ce que le livre ne raconte pas, c'est qu'à la même époque, dans le cadre de la guerre "de cent ans", cette conception de la guerre entraîne la déroute, et donc le crépuscule, de la chevalerie française, d'abord à Crécy, en 1346, où 15.000 chevaliers se font massacrer par des archers et des bombardes parfaitement organisés (défaite qui vaudra aux bourgeois de Calais de remettre au Roi d'Angleterre les clés de la ville, en chemises et la corde au cou), puis dix ans plus tard à Poitiers où le Roi Jean "le bon" (ce qui à l'époque signifie "l'intrépide") est fait prisonnier, ce qui coûtera très cher au Royaume.
Quelques citations tirées du livre :
"Tu aimes une femme, elle est le paradis, mais seul le paradis pourra te la donner" ;
"Les femmes sont aussi innombrables que les astres. Comme les astres certaines brûlent plus que les autres" ;
"La vie n'est donc faite que de choix : marcher du côté du devoir ou suivre la direction que nous souffle notre âme" ;
"Le bonheur n'étant pas éternel, pourquoi en serait-il autrement du chagrin et de la souffrance ?" ;
"Le bonheur n'est-il point de feindre de faire par passion ce que l'on fait par intérêt ?"
" Le bégaiement, c'est l'âme qui tente de s'exprimer sur les lèvres de l'enfance".
09:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2)
15/09/2007
Monestarium
Monestarium
Andréa H. Japp
Editions Calman-Lévy
1306, Abbaye de femmes, dans le Perche
Il faut attendre la page 140 pour le premier meurtre, mais après les choses s'accélèrent, malgré les efforts de la très jeune Mère Abbesse aidé du Comte venu en voisin.
Il y a les gentil(le)s, les méchant(e)s, les repenti(e)s, la lèpre ramenée des croisades (comme dans "Le complot des Franciscains", cf. ma note de la semaine dernière).
Au delà de la lutte interne pour le pouvoir dans le monastère, il y a ce terrible secret qui pourrait ébranler l'Eglise (quoi que ? car Elle en verra d'autres...), basé sur cette question fondamentale : "Dieu a-t-il créé l'Homme à son image ?", en tenant compte de la relativité entre le temps des hommes et le temps des Dieux, car "la connaissance est sacrée, mais elle est également dangereuse pour qui la manie mal ou la corrompt".
A cette question, nous connaissons la réponse de Gainsbourg : "Dieu est un fumeur de havane", et celle de Nougaro : "Dieu est nègre". Et pourquoi pas une Femme, pendant qu'ils y sont ?
Quand on pense qu'il y a des gens qui croient que le monde a réellement été créé en 7 jours, que ce n'est pas une parabole mais une vérité divine puisque c'est écrit dans Le Livre...
Citations tirées du roman :
"La politique est comme une femme aimée aux yeux d'un amoureux qui se languit" ;
"On peut rompre en visière lorsque le parti de l'autre a cessé de vous intéresser, encore faut-il vous assurer qu'il n'aura jamais les moyens de vous le faire regretter." ;
"On ne se bat dignement que contre de dignes adversaires" ;
"Tous les avatars diaboliques que j'ai rencontrés de par le monde étaient désespérément humains" ;
"C'est parfois à travers l'utopie que l'on atteint l'inaccessible" ;
"Les femmes intelligentes sont sans âge, ou alors elles ont tous les âges à la fois".
09:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (4)
08/09/2007
Le complot des Franciscains
Le complot des Franciscains
John Sack
Editions Michel Lafon
Assise (Italie) 1271/1276
Pourquoi la dépouille de François, devenu "Saint" en 1228, a-t-elle disparu en 1230 ? (pour n'être retrouvée qu'en 1818).
François ne voulait pas de la création d'un "Ordre". Comme Dominique (cf. ma note sur "Labyrinthe"), il avait fait vœu de pauvreté. Ses "frères" devaient vivre uniquement de mendicité et ne rien posséder. Cela leur semblait le meilleur moyen de sauver l'Eglise.
Ce roman raconte la lutte entre ces idéaux, repris par quelques uns des compagnons de François et leurs disciples, qui veulent être au service des plus pauvres, en particulier les exclus parmi les pauvres, les lépreux (mal ramené des croisades), face au réalisme de ceux qui veulent "installer" l'Ordre, le consolider, l'institutionnaliser.
L'idée même de monastères franciscains n'est-elle pas antinomique avec l'idée de François d'aller vers les pauvres en vivant de charité ?
Il aurait peut-être été utile de rappeler dans le roman, pour celles et ceux qui ne sont pas spécialistes, qu'en 1230 le Pape Grégoire IX avait tranché en dispensant les Franciscains de suivre le "testament" de François...d'où les persécutions contre les "purs" qui tenaient à leur vœu de pauvreté.
Ce que le roman ne mentionne pas non plus, est que Jérôme d'Ascoli, que l'on voit apparaître comme "ministre général" de l'Ordre, sera, en 1288, le premier Franciscain à devenir Pape, sous le nom de Nicolas IV, et qu'on lui reprochera son favoritisme pour ses "frères".
La lutte des "spirituels" ne s'arrêtera pas en 1276 (quand le roman se termine), puisqu'un siècle plus tard, le Pape Jean XXII publiera une "bulle" déclarant que la pauvreté du Christ n'avait pas été absolue et de nombreux Franciscains fidèles au "testament" de François, il est vrai parfois très violents dans leurs attaques contre l'Eglise et les Papes successifs, seront emprisonnés (comme dans le roman) et même condamnés au bûcher, comme hérétiques.
Ce n'est que beaucoup plus tard, en 1526, que les "héritiers" de cette tendance au sein des Franciscains seront autorisés à s'organiser pour revenir à la règle de François : ce sont les "Capucins".
J'y reviendrai bientôt à propos d'un autre roman : "La Reine crucifiée".
Pour agrémenter le roman, il y a des histoires d'Amour (impossibles ?), et il est question de la condition des femmes, dont il faut se méfier puisque "c'est par les femmes que le démon pénètre dans le cœur des hommes" (Saint Chrysostome).
Avec en conclusion cette question un peu angoissante : c'est bien de chercher la vérité, mais pour en faire quoi ?
09:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3)
06/09/2007
Le rugby, c'est facile !
Le Rugby, c'est facile
Olivia Decorte
Editions "La joie de lire"
Impossible d'ignorer que la Coupe du monde de rugby va commencer.
Difficile de choisir dans la multitude de livres sortis pour l'occasion.
"Le rugby, c'est facile" n'explique pas les règles, un peu compliquées, de ce sport, c'est un regard poétique qui dévoile les valeurs profondément humaines qui font la force du rugby : souplesse, agilité, tonicité, puissance, endurance, audace, capacité à rebondir et à ne pas se laisser impressionner, et par dessus tout la solidarité, pour échapper aux assauts de l'adversaire.
Très bien pour mettre les 5/10 ans, et leurs mamans, dans l'ambiance.
Des valeurs applicables également dans d'autres domaines...
La semaine prochaine, toujours sur le rugby, mais dans un autre registre, je parlerai du numéro spécial publié par la revue d'études constitutionnelles et politiques "Pouvoirs" !
09:15 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (12)
01/09/2007
Labyrinthe
Labyrinthe
Kate Mosse
Editions J.C. Lattès
1209/1244 et 2005 Carcassonne, montagnes ariégeoises, Montségur.
"L'Histoire est un roman qui a été, le roman est une histoire qui aurait pu être"
Emile et Jules Goncourt.
"C'est par la compréhension du présent que les vérités du passé resurgiront" (Kate Mosse).
Mais il ne faut pas oublier que l'Histoire est essentiellement écrite par les vainqueurs...
Ce roman, constitué de deux histoires imbriquées (l'une au XIIIe siècle, l'autre contemporaine) qui n'en font qu'une, tourne autour de la tragédie cathare. Les "purs" selon l'étymologie grecque de "cathare", selon une dénomination jamais utilisée à l'époque, car ils se contentaient de s'appeler entre eux les "bons hommes", ces tenants d'une croyance religieuse assurément hérétique pour l'Eglise catholique, se basant sur des croyances plus anciennes encore. C'est pour lutter contre cette hérésie que fut créée la "Sainte Inquisition" et qu'une croisade fut menée par le légat du Pape par les Barons du Nord de la France pour s'approprier les fiefs de ceux du Sud, vassaux du Comte de Toulouse, lui même vassal du Roi d'Aragon. Croisade au cours de laquelle furent massacrés les Biterrois, avec ce mot resté dans l'Histoire, attribué au légat du Pape : "tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens !"
Le Labyrinthe (titre du livre) est un symbole ancien, en particulier dans le Midi de la France, mais on en trouve un également sur le sol de la cathédrale de Chartres. Il est le symbole d'un pèlerinage spirituel vers une "Jérusalem" symbolique, pour ceux qui n'ont pas pu partir en croisade, un chemin vers une "terre promise" et donc la vie éternelle, une sorte de recherche du "Graal".
L'histoire du "Graal" ("les cheveliers de la table ronde") a été écrite par Chrétien de Troyes, dont le protecteur était Philippe d'Alsace, Comte de Flandres, tombé à Saint Jean d'Acre en 1191. Il a donné son nom à une place d'Aire.
Le "Graal" serait la coupe ayant recueilli le sang du Christ pendant son agonie. Les Cathares étaient-ils les gardiens de cette coupe ? Le Graal, c'est la représentation symbolique de la rédemption et du salut, pour la vie éternelle (n'est-ce pas pour notre rédemption que, selon le Christianisme, le Christ est mort sur la croix ? n'est-ce pas pour leur rédemption que les croisés partaient délivrer le tombeau du Christ ?). Peut-être, comme le dit le roman, "le véritable Graal réside dans l'Amour transmis", et concernant la vie éternelle : "c'est à travers les histoires partagées du passé que nous ne mourrons jamais" ?
Deux citations tirées du livre :
"Convoitise, soif du pouvoir, peur de la mort, aucun de ces sentiments n'a changé. Les bonnes choses de la vie ne changent pas non plus : l'amour, le courage, la charité, la volonté de conduire sa vie selon ses propres convictions" ;
"S'approprier, assimiler les idées et les puissants symboles appartenant à d'autres est le moyen par lequel survivent les civilisations".
Deux petits rectificatifs historiques :
Le roman met en scène un Dominicain, à Carcassonne, en 1209. S'il est vrai que Dominique Guzman, le futur "Saint Dominique" était à Montpellier dès 1206, pour prêcher contre les "bons hommes" hérétiques, en ayant l'intelligence de reprendre leur exemple de pauvreté, d'humilité et de charité, l'ordre des Dominicains n'a été fondé qu'en 1217.
De même, en 1209, Saint François d'Assise est cité par un personnage du roman. S'il est vrai que, dès 1206, François d'Assise a mis fin à sa vie dissolue, en 1209 il n'avait que quelques disciples et il ne deviendra "Saint François d'Assise" qu'en 1228 (cf. la semaine prochaine "Le complot des Franciscains").
Deux éléments du livre m'ont laissé perplexe :
- Pourquoi imaginer une collusion contemporaine entre les Cisterciens et les Jésuites ? Ces deux ordres, si différents, n'ont jamais eu "d'atomes crochus" ;
- Pourquoi avoir donné le nom d'Authié à un personnage particulièrement antipathique : énarque lepéniste (un énarque qui devient avocat, c'est déjà peu crédible !), fanatique et intolérant alors que ce nom d'Authie symbolise, pour tous ceux qui connaissent l'Histoire des Cathares, la dernière tentative, au début des années 1300, d'une "Eglise de la reconquête" des "purs" ?
En conclusion : à lire si vous allez passer vos vacances en Ariège ou à Carcassonne, ou si vous faites une excursion à Montségur.
09:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)