01/12/2007
Une lutte historique : les canuts
Le chant des canuts
Louis Muron
Editions Presses de la cité
Lyon 1830 / 1835
"C'est dans les masses profondes des travailleurs que réside la vie réelle de la Nation"
Edouard Herriot, maire de Lyon, Radical-socialiste.
1830 : Charles X est obligé d'abdiquer et de laisser la place à son cousin Louis-Philippe d'Orléans.
Les "canuts", ce sont les travailleurs de la soie, 50.000, regroupés en 8.000 ateliers lyonnais, travaillant "à la pièce" pour 1.400 négociants.
Ce livre raconte, sous forme de roman, leur révolte ("vivre en travaillant ou mourir en combattant"), en novembre 1831, puis en avril 1834, la répression sanglante du mouvement, et enfin la condamnation en "justice" des "meneurs", en 1835, par une juridiction spéciale.
Ces travailleurs ont la nostalgie de l'Empire, qui était synonyme de commandes.
Ils subissent une importante baisse de leurs revenus, en raison de la concurrence étrangère (suisse : souvent des Lyonnais partis en exil à cause de la répression contre les girondins en 1793), et surtout de l'essor du coton et du tissage industriel, moins luxueux mais beaucoup moins cher.
La monarchie bourgeoise connait l'essor de l'industrie textile, mais également ferroviaire qui favorise les transports, et donc la concurrence.
Les canuts sont majoritairement des maîtres artisans, instruits, fils de la philosophie des "lumières" (voir la note sur "Sophie, la libertine") qu'ils abordent souvent à travers les mutuelles et la franc-maçonnerie. Ils considèrent que "le progrès doit libérer l'Homme de la peine".
Comme le raconte le "Journal des débats" : "la sédition de Lyon a révélé la lutte entre la classe qui possède et celle qui ne possède pas".
Le Maire de Lyon, qui voudrait la paix sociale dans sa ville, invite ceux qui n'ont pas de travail à partir coloniser l'Algérie.
Lamennais, catholique social, dénonce "le manque d'engagement de l'épiscopat aux côtés des populations défavorisés", et Lamartine lui reproche d'être "l'évangile de l'insurrection".
Citations :
"Si les hommes font les Lois, les femmes font les mœurs" ;
"Nous autres, pauvres canuts, nous ne pouvons pas nous payer le médecin : alors nous mourrons nous mêmes !" ;
"Il va falloir s'engager politiquement, si c'est le moyen de changer cette société où nous sommes exploités" ;
"La véritable et difficile question, c'est d'empêcher que les améliorations tournent au profit exclusif de quelques individus" ;
"Votre sang a fécondé le sol où doit croître l'arbre de l'émancipation des prolétaires. Votre mémoire ne sera pas oubliée dans l'histoire du prolétariat" ;
08:05 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)
24/11/2007
Le chat botté
Le chat botté
Patrick Rambaud
Editions Grasset
9 Thermidor An II / Ventôse An IV
Je ne suis pas un admirateur de l'épopée napoléonienne. C'est peut-être pour cela que j'avais apprécié "La bataille", roman qui racontait la bataille d'Eylau, boucherie qui marquait "le début de la fin", et pour lequel Patrick Rambaud avait obtenu le prix Goncourt et le "prix du roman de l'académie française".
Dans la même veine il a écrit, et j'ai lu, avec plaisir : "Il neigeait", qui raconte la campagne de Russie (Prix "ciné roman / carte noire"), puis "L'absent" qui raconte l'exil à Saint Hélène.
Le dernier, (pour l'instant ?) de la série fait un "flash back" en parlant de cette période troublée, disputée entre jacobins et royalistes, pendant laquelle "des massacres nouveaux répondent aux massacres anciens", de la chute de Robespierre jusqu'au mariage de Napoléon, à travers la vie du jeune (25 ans) général d'artillerie aux dents longues, qui "monte" à Paris, ressemblant à un "chat botté", selon la future Duchesse d'Abbrantes.
Pour satisfaire son ambition, et mettre son talent en évidence, le jeune homme a des principes très simples :
- s'appuyer sur des relations utiles (il a connu Barras au siège de Toulon) ;
- utiliser les femmes ("on arrive d'abord par les femmes", disait-il) : c'est ainsi que Barras se débarrasse de la veuve de Beauharnais, Rose, future Joséphine, en faisant croire à Napoléon qu'elle est noble et riche. Ces femmes, comme dit l'auteur "importantes comme des hommes avant la grande nuit misogyne venue d'Orient, qui tomba sur la Grèce à la mort d'Hérodote, et transforma les femmes en putains ou en mères" ;
- utiliser les hommes : "il y a deux leviers pour soulever les hommes : l'intérêt et la peur" ;
- faire de la politique sans convictions politiques ("le général saluait l'absence de morale en politique"), avec cynisme et opportunisme : il fait croire aux royalistes qu'il a refusé d'aller se battre contre les Vendéens par sympathie (alors qu'il n'a refusé le poste de général d'infanterie en Vendée que parce qu'il le jugeait indigne d'un général d'artillerie)...jusqu'au moment où il les massacre devant l'église Saint Roch le 13 Vendémiaire.
Nommé gouverneur militaire de Paris, "son premier travail fut d'enrichir sa famille et ses fidèles".
08:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (5)
22/11/2007
Afrique et expérimentation de médicaments
Le numéro 7
Martin Winckler
Editions : Le cherche midi
Collection Néo
Comme beaucoup, j'ai découvert Martin Winckler à l'occasion de "La maladie de Sachs", prix du "livre Inter" 1998, réédité dans la collection "Folio" et ayant donné lieu à une adaptation cinématographique.
Je ne sais pas si Martin Winckler exerce toujours la médecine, mais il écrit, beaucoup et assez bien, et ses romans, tendance "policiers", dénoncent sans relâche le mauvais mariage entre la recherche médicale et les profits : "Touche pas à mes deux seins", "Mort in vitro", "Les trois médecins", "Camisoles", pour ne citer que ceux que j'ai lus.
Il n'est pas surprenant que cela l'ait amené à écrire un roman policier qui fasse directement allusion aux expérimentations médicales en Afrique.
John Le Carré l'a fait avant lui dans "La constance du jardinier" (adapté au cinéma).
Comme Martin Winckler est également un passionné de séries télévisées anciennes, ce roman s'inspire de la série "Le prisonnier", dont je n'ai pas beaucoup de souvenirs, car, à l'époque, je n'avais pas la télévision. C'était en noir et blanc, il y a moins d'un demi siècle...
08:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)
17/11/2007
La modiste de la Reine
La modiste de la reine
Catherine Guennec
Editions Jean-Claude Lattès
Abbeville 1747 / Epinay-lès-Saint-Denis (aujourd'hui Epinay-sur-Seine) 1813
Un retour en arrière un peu plus léger après "le boucher des Hurlus".
Plus léger (la mode) même si un monde alors s'écroule, sans que les victimes n'y comprennent rien.
Ce roman se présente comme le journal de Rose Bertin, née en Picardie, "montée" à Paris comme couturière et qui y fait fortune, en passant, après "deux heures de carrosse et sept années de patience", de Paris à Versailles ("ce n'était pas un château, c'était une ville"), comme "ministre de la mode" de Marie-Antoinette, Dauphine puis Reine.
"L'essentiel de la vie de Cour : se montrer assidûment, être là, toujours là et travailler à se faire remarquer" (Les choses n'ont pas beaucoup changé. Ne se seraient-elles multipliées pas ?) ;
"A part s'ennuyer, mendier des faveurs et médire les uns des autres, leur occupation favorite était de se faire remarquer, de plaire. Aussi, avaient-ils l'ambition d'être "bien mis" et au goût du jour, pour tenir leur rang. Une des rares vertus qu'une marchande de mode pouvait leur trouver", mais très vite, "le château est un pays mort. Trop de vieilles gens, pas assez de marmots, hormis les enfants royaux", "on ne dira jamais assez la responsabilité des nobles sans noblesse".
Elle défend son travail et le rôle de la Reine d'ambassadrice de la mode française et de l'industrie du luxe dont la réputation perdure aujourd'hui dans le monde entier, mais elle reconnaît qu'en 1788 "le pays crevait de faim".
A travers la couturière-modiste, l'auteur ne cache pas son affection pour Marie-Antoinette :
"Elle plaisait comme elle respirait" (c'était au début...), même si elle reconnait que " la seule pensée d'ouvrir un livre lui donnait la migraine" ;
"La vérité, c'est que l'on ne passe rien aux têtes qui sortent du lot", et le Roi "mangeait comme d'autres boivent. Pour oublier".
Elle considère l'année 1793, avec quelques raisons, comme "un année maudite", surtout pour la famille royale : 21 janvier : exécution de Louis XVI, 16 octobre : exécution de Marie-Antoinette. Pour les autres : Première coalition contre la France, soulèvement de la Vendée, le général Dumouriez qui passe à l'ennemi, Toulon livré aux Anglais par les royalistes, création du Tribunal révolutionnaire, massacres de contre-révolutionnaires, dont les Girondins...
Citations tirées du livre :
"Le malheur invisible n'existe pas pour les imbéciles" ;
"Le souvenir de l'Amour, c'est toujours de l'Amour".
J'ai appris dans ce livre que la coutume de la robe de mariée blanche ne date que du Consulat.
08:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3)
11/11/2007
11 novembre
Le boucher des Hurlus
Jean Amila
Folio policier n°190
Les lectrices et lecteurs régulier(e)s de ce blog ont probablement remarqué que chaque samedi, depuis septembre, dans l'ordre chronologique, je parle d'un roman "historique".
Cette semaine, je m'autorise une double exception, en raison du 11 novembre :
- ce n'est pas samedi, c'est dimanche
- je "saute", provisoirement, quelques romans, se passant au temps de Louis XVI, de Napoléon, de la "Monarchie de Juillet", programmés pour les prochains samedis, afin de parler de la guerre de 14/18, la préférée de Georges Brassens.
Jean Amila est le pseudonyme d'un auteur de romans policiers de la "Série noire", orphelin d'un de ces mutins fusillés en 1917, et dont la mémoire a été réhabilitée par Lionel Jospin quand il était Premier ministre.
Comme l'auteur l'écrit dans sa préface : " écrire, c'est revendiquer une place pour l'Homme dans l'univers, c'est revenir sur l'Histoire pour l'éclairer et lui donner un sens".
Ce roman policier n'est pas une enquête sur un meurtre, ce qui n'empêche pas le suspens : ces quatre gamins, placés en "institution", orphelins de mutins fusillés, qui veulent, à la fin de 1918, voir sur place les champs d'horreur de l'Est de la France, en particulier "les Hurlus" où furent envoyés se faire tuer des centaines d'hommes à l'assaut des tranchées ennemies, provoquant des mutineries (ils auraient également pu aller dans la Somme ou le Pas-de-Calais), vont-ils réussir à venger leurs pères et à tuer "le boucher des Hurlus", ce général, semblable à tant d'autres, couverts de médailles, qui n'hésitaient pas à envoyer leurs hommes à la mort, risquant, au pire, en cas d'échecs répétés, d'être envoyés à Limoges, loin du front ("limogés") ?
Le "boucher des Hurlus" va-t-il mourir tranquillement dans son lit, comme ses congénères ?
Sur le rôle des généraux français pendant la Première guerre mondiale, lire également le livre de l'historien Pierre Miquel : "Le gâchis des généraux " aux éditions Plon, et sur les mutins de 1917 l'émouvant : "Un long dimanche de fiançailles", en livre ou en film.
08:20 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1)


