02/08/2008
La chaussure sur le toit
Vincent Delecroix
NRF / Gallimard
Un auteur professeur de philosophie, et ayant prouvé sa capacité d'écriture poétique, une chroniqueuse télé matinale qui compare ce livre à "l'élégance du hérisson", que j'ai beaucoup aimé, et à l'arrivée, désolé de le dire, une déception à la hauteur de l'attente.
Une dizaine de scènes de la vie parisienne, ayant en commun une chaussure sur le toit, sans que cette pièce centrale ne me permette de recomposer le puzzle.
Extraits :
"C'est typique des humains : démolir consciencieusement ce qui peut les rendre heureux, ne pas savoir résister au doute"
"Depuis Hegel, il n'est plus possible d'envisager l'art sans penser sa mort"
"La rose est sans "pourquoi ?", dit Silesius cité par Heidegger, "elle fleurit parce qu'elle fleurit !"
"Les gens sont bien futiles : un rien peut détourner leur attention de la souffrance et la fixer autre part. Il faut simplement leur donner un objet et ils y déposeront tout le malheur et tout le ridicule du monde. Et dans le genre ridicule, une chaussure peut très bien faire l'affaire" : voilà toute l'histoire de "la chaussure sur le toit".
08:07 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
31/07/2008
Bon chat chinois prend la souris
Bon chat chinois prend la souris Chroniques de la vie ordinaire Eric Meyer Editions du Seuil "Peu importe que le chat soit blanc ou noir : le bon chat, c'est celui qui attrape la souris" Cette phrase, très célèbre, du "petit timonier" Deng Xiaoping marque, au début des années 80, la mort de l'idéologie communiste en Chine, où Eric Meyer est journaliste depuis 20 ans. Pour nous faire comprendre l'état actuel de la Chine, et sa diversité, Eric Meyer nous présente cent chroniques choisies de la vie ordinaire dans ce pays. "La vaste forêt abrite bien des oiseaux bizarres" comme le dit l'un des proverbes qui marquent chaque chapitre. Avec "une constante dans la vie quotidienne locale : un copieux ennui", à cause d'"un vieux démon, celui de toute la Chine : l'absence d'échange avec autrui, l'indifférence autiste, une enfance dépressive, comme un jeune Chinois sur trois", "qui trouvent dans le jeu en ligne des émotions par procuration", en raison de "l'interdit de l'expression publique des émotions". "Le marché et le jeu, confondus", sont le cœur de la vie" car "qui n'ose semer par peur des crickets, perd sa moisson". Il montre des Chinois dont la vie devient plus facile, plus aisée, plus confortable, mais aussi "plus précaire, déprimée, polluée et vidée du passé". "La Chine socialiste a une vieille tradition de décisions abruptes et hostiles aux citoyens", en raison de "l'absence en Chine d'Etat de droit". Mais "le parti a besoin de gens ayant confiance dans la protection de la "maison mère". Les autres, il les écarte, il en va de sa survie". Deux petits proverbes, tirés du livre, pour terminer : "Chien acculé saute le mur" "A nid renversé, pas d'œuf intact"
07:46 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : livre, chine
29/07/2008
Le jour où mon père s'est tu
Virginie Linhart
Seuil
Prix de l'essai des lecteurs de l'Express
Virginie est la fille de Robert Linhart, dirigeant d'un groupuscule maoïste de la fin des années 60.
Brillant intellectuel (Normale Sup à 19 ans), il a décidé, dans la ligne de la "révolution culturelle" de "retourner au peuple" et d'aller travailler en usine. Il a en a tiré un "best seller" : "L'établi".
"Il faut savoir descendre de cheval pour cueillir des fleurs" (Mao)
A 36 ans, après une tentative de suicide, par médicaments, ratée, revenu d'un profond coma, il sombre dans un quasi mutisme que sa fille vit comme un abandon.
Après avoir été tenté d'écrire sur cette génération de dirigeants gauchistes de mai 68, Virginie choisit finalement de rencontrer les "filles et fils de..."
Cela donne une très intéressante galerie de portraits, des parents, et des enfants, de l'enfance de ces enfants de parents militants intellectuels, passionnés de politique, de psychanalyse, de structuralisme, trop occupés par leurs controverses intellectuelles pour s'occuper des enfants, sauf pour exiger d'eux la réussite scolaire car, pour ces révolutionnaires surdiplômés, le gauchisme est un élitisme. Est partagé surtout le sentiment d'être "l'avant garde".
La pratique ne s'accorde pas toujours avec la théorie, ce qui est pénible quand on se veut "scientifique" même en politique !
Le retour à la norme sera difficile. La disparition des illusions s'accompagnera souvent de l'éclatement des couples, ce qui est toujours difficile pour les enfants...
L'auteure remarque que beaucoup de ces responsables militant(e)s sont des enfants de survivant(e)s de la Shoah. D'où la volonté de vivre, de "jouir sans entrave", exprimée en mai 68.
Défilent pour nous :
Roland Castro, Judith Miller (fille de Lacan) et son mari Alain Miller, Beny Levy (secrétaire de Sartre puis responsable d'une école talmudique), Alain Krivine (Ligue Communiste Révolutionnaire), Henri Weber (bras droit de Krivine, puis de Fabius), mais aussi des "petits" qui n'avaient pas le filet de sécurité de l'université, et qui l'ont payé cher...et leurs enfants qui ont une règle générale : ne pas faire comme leurs parents.
Presque, toutes et tous se situent à gauche, et féministes dans leur vie quotidienne. Un seul d'entre eux, fils d'un journaliste fondateur de Libération, est militant : Mao Péninou, élu du XIXe arrondissement, tendance DSK.
Extraits :
"Méchants comme tous les gens qui ont une intelligence extrême" ;
"Il ne s'est jamais remis de ce temps où il crut possible d'infléchir le cours de l'Histoire"
"C'est de s'être trop pris au sérieux qu'ils ont, par la suite, déprimé"
"L'idée générale, c'est qu'on est pas là pour s'amuser"
"Quand on comprend que l'on ne peut pas révolutionner le monde, on le réforme"
08:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, politique
26/07/2008
alabama song
Prix Goncourt
Editions "Mercure de France"
Ce roman, écrit à la première personne, s'inspire de la vie de Zelda, fille d'un juge, petite fille d'un sénateur et d'un gouverneur, compagne du célèbre écrivain américain Scott Fitzgerald, de 1918 à 1943, de la gloire à la déchéance.
Elle est morte à 47 ans dans l'incendie de l'aile psychiatrique de l'hôpital où elle était internée.
Extraits :
"Il en est qui se cachent pour voler, pour tuer, pour trahir, pour aimer, pour jouir. Moi, j'ai dû me cacher pour écrire."
"C'est nous qui avons inventé la célébrité et surtout son commerce" ; "ces débordements nous faisaient une lucrative publicité" ;
"Les gens qui s'aiment sont toujours indécents" ;
"Cet ardent désir de me posséder, était-ce bien ce qu'on appelle l'amour ?"
"Tous les hommes sont mus par leur exigence physique et un magnétisme animal"
"Quand les hommes se pavanent et pérorent, je ne sais quoi leur répondre"
"Suis-je censé obéir aux rêves de maman ?" ; "toutes nos mères sont victoriennes"
"Le seul enfant que je voulais de lui, c'était lui" ;
"Nul ne maîtrise les tempéraments, pas plus que les orages" ;
"Notre folie nous unissait. C'est la lucidité qui sépare" ;
"Il n'y a pas de don, il n'y a que cet exercice terrible et exclusif de suer, gémir, d'implorer, qui finit par fonder l'art" ; "tout est nourriture pour le travail de l'écrivain".
07:48 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature
24/07/2008
L'éveil de la Chine
L ' éveil de la Chine Chen Yan Editions de l ' Aube Historien en Chine, Chen Yan est réfugié en France depuis 25 ans, enseignant et journaliste (RFI et maintenant Courrier international). Son livre, essentiel pour comprendre le régime chinois, se divise en deux parties : - de la mort de Mao (1976) au drame de Tienanmen (1989) : la déconstruction de l ' idéologie communiste ("derrière l ' idéologie, le pouvoir est toujours soutenu par les fusils"), parfois même au nom d ' un communisme "originel" et idéal, en réaction aux drames de la "révolution culturelle" ; la réforme économique, la montée des idées libérales économiques...et politiques, inspirées de l ' Occident, avec toutefois des racines chinoises ; - la disparition de toute idéologie (depuis 1989), dans un système cynique de dictature, autrefois basée sur une idéologie égalitaire, aujourd ' hui "dépossédé de toute légitimité idéologique et politique" ; "l ' archaïsme politique face à la libéralisation de l ' économie", "l ' absence de critères éthiques pour la société". "Le fondement de l ' Etat n ' est plus l ' idéologie, mais la croissance" (le nombre de millionnaires en "équivalent $" a augmenté de 20% l'année dernière). "L'effondrement du système communiste en Europe de l ' Et a enlevé toute crédibilité à l ' idéologie communiste". "Reste un pays totalitaire, maintenu par la force policière", où le véritable pouvoir n ' est pas détenu par le Secrétaire général du Parti communiste mais par le Président de la commission centrale militaire. Pour remplacer cette disparition de l ' idéologie communiste, la montée du nationalisme qui explique les évènements du Tibet et les menaces sur Taiwan : "le nationalisme tient lieu de réflexion politique" ; "le nationalisme ethnique est le frein majeur qui empêche le pouvoir actuel de jouer davantage la carte du nationalisme à l ' intérieur des frontières". Extraits "Apprendre à vivre en société est avoir le réflexe de se méfier de tout le monde" "La pratique est l ' unique critère de vérification de la vérité" "Le communisme chinois n ' est que l ' amalgame de la vieille tradition féodale despotique de la Chine et de la nouvelle tradition du stalinisme" "La société traditionnelle confucéenne exerce culturellement une pression sur ceux qui se comportent différemment" "La "Révolution culturelle" a détruit la croyance des masses en une "vérité absolue". Le "Printemps de Pékin" est le fruit hérétique de la "Révolution culturelle". "Tous les moyens sont bons pour sortir la Chine de son arriération, à condition que le Parti soit aux commandes. La modernisation du pays n ' a de sens que si le Parti en garde la maîtrise complète." "Le nouvel horizon du développement économique tient lieu de défoulement et d ' espoir. Il n ' y a plus de dessein politique ni de justification idéologique" "Corollaire de la fièvre d ' enrichissement personnel : la chute des tabous sexuels" "La société marche vers une sorte de latino-américanisation : inégalité sociale, corruption généralisée, marginalisation des masses populaires" "Le marché chinois est un marché dénaturé en faveur de la bureaucratie corrompue"
08:24 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, chine