31/12/2007
La 7ème femme
Ce prix a pour particularité d'être décerné par un jury de policiers, présidé par le Directeur de la Police Judicaire, sis quai des Orfèvres, comme chacun sait.
Il ne faut donc pas s'attendre à y trouver des critiques contre les policiers, qui ont plutôt le beau rôle, malgré leurs conditions de travail si difficiles.
Cette année, à travers ce livre, la médecine médico-légale est à l'honneur.
Il s'agit de découvrir, au plus vite, un assassin en série qui tue une femme par jour. Le policier valeureux parviendra-t-il à sauver la "7ème femme", celle du dimanche, celle qu'il aime ?
A part cette question dont tout le monde peut deviner la réponse, il y a du suspens.
Extraits :
" La population féminine représentait dix à treize % des criminels dans le monde. Sans testostérones, moins de pulsions sexuelles et de viols. Alors, définitivement, sa préférence allait aux femmes.""Les tueurs en série sont presque exclusivement de race blanche et ils ont tendance à n'agir qu'au sein de leur propre ethnie".
"Le grand mobile des mécanismes psychologiques qui donnent naissance aux meurtriers en série : la haine de l'un des parents. La mère surtout, dominatrice, castratrice. Tellement plus rassurant que de remettre en cause le fonctionnement de notre société, ses modèles d'intégration sociale et ses idéologies."08:50 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
30/12/2007
Des armes pour Khartoum
En fait, il s ' agit de la réédition d ' un livre de 1981.
C ' est l ' histoire d ' un agent de la CIA assassiné par des rebelles tchadiens. L ' épouse d ' un autre agent américain est enlevée. La rançon est une livraison d ' armes aux rebelles. SAS est envoyé en renfort. Les rebelles reçoivent leurs armes et l ' otage est libérée.Allusion au soutien donné par les Américains aux rebelles du Sud Soudan, qui avaient le double avantage, aux yeux de Washington, d ' être dans une zone pétrolière et d ' être chrétiens ?
L ' explication se trouve plus surement dans la dédicace : ce livre est écrit "en souvenir du Commandant Pierre Galopin, sacrifié à la raison d ' Etat".
Rappel :En avril 1974 le rebelle tchadien Hissen Habré enlève l ' universitaire, ethnologue, Françoise Claustre. Celle-ci faisait-elle des "heures supplémentaires" au profit des services français de renseignements ? Certains l ' affirment.
En juillet, le capitaine Galopin, agent des services français, est envoyé sur place pour négocier la libération de Françoise Claustre, contre la livraison d ' armes...qui n ' arrivent pas. Galopin est torturé par les rebelles.
En avril 1975, les armes n ' étant toujours pas livrées, Galopin est pendu par les rebelles. Hissen Habré l ' achève d ' un coup de pistolet dans la tête. Le chantage pèse sur Françoise Claustre. Les armes sont livrées. En janvier 1977 Françoise Claustre est libérée, sans l ' aide de SAS, Hissen Habré prend le pouvoir à N ' djamena et devient un des dictateurs les plus sanglants d ' Afrique, qui en a pourtant connus un certain nombre.C ' est à la lumière de ces évènement, et en les ayant en tête, que ce roman doit être lu.
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26/12/2007
Mémoires de porc-épic
Editions du Seuil
Je vous parle du prix Renaudot de l ' année dernière, plutôt que celui de cette année, que je n ' ai pas encore lu : comme ça vous pourrez le trouver moins cher, et il est toujours aussi bon...
L ' avantage d ' un prix littéraire prestigieux, c ' est que l ' auteur fait le tour des médias, ce qui peut inciter un public plus large à le découvrir.
Mabanckou avait manqué de peu le Renaudot l ' année précédente pour son "Verre cassé" dont je vous ai parlé. Ces "mémoires de porc-épic" se veulent en être la continuation.
Avec la même verve et la même ironie (qui, je le rappelle, me font penser au regretté Frédéric Dard), ce livre est un "conte" africain : chacun d ' entre nous a un double animal (le "totem" des scouts). Ce porc-épic est le "double" d ' un meurtrier. Il utilise ses piquants pour se débarrasser des gens qui gênent son maître.
Il parait que les fantasmes de meurtres sont assez fréquents, et pas seulement en Afrique...
Extraits :
"Leur estomac était aussi profond que le puits de leur ignorance".
"La modestie est parfois un handicap qui vous empêche d ' exister, pour s ' accepter comme on est, il vaut mieux minimiser le répertoire de ses défauts"
"Nous ne croyons le mal que quand il est venu"
"J ' ai appris des hommes le sens de la digression. Ils ne vont jamais droit au but, ouvrent des parenthèses qu ' ils oublient de refermer."
"La parole délivre de la peur de la mort"
"Si vous voyez un sourd courir, ne vous posez pas de questions, suivez-le, car il n ' a pas entendu le danger, il l ' a vu !"
"Si tu veux que Dieu se marre, raconte-lui tes projets"
"A force d ' espérer une condition meilleure, le crapaud s ' est retrouvé sans queue pour l ' éternité"
"Ce n ' est pas parce que la mouche vole que cela fera d ' elle un oiseau" (c ' est peut-être méchant, mais ça me fait penser à un candidat à la mairie d ' Aire)
Et enfin, cette phrase qui me laisse rêveur :
"Seul le vieux sage peut entendre le criquet éjaculer".
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25/12/2007
Les enfants des limbes
Morts nés et parents dans l'Europe chrétienne
Jacques Gélis
Editions Audibert
Quelle période plus appropriée que celle de Noël pour parler de naissance ?
Mais aussi de ce drame si fréquent encore aujourd ' hui dans le monde, et qui se déroulait si fréquemment, même en Europe, il y a peu : l ' enfant mort à la naissance ?
A ce drame, l ' Eglise catholique y ajoutait un autre, plus terrifiant encore, puisqu ' il concernait la vie éternelle : l ' enfant mort avant d ' être baptisé était condamné à errer éternellement dans les "limbes". "Son âme était vouée aux souffrances éternelles, puisqu ' elle était privée de la vision de Dieu". Surtout à partir du Concile de Trente, en 1547, qui déclare : "les enfants n ' ont aucun autre moyen de salut que le baptême", en se basant sur Saint Jean : "Personne, à moins de naître de l ' eau et de l ' Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu". L ' enfant n ' avait pas le droit d ' être enterré en terre consacrée, avec les autres chrétiens, avec sa famille. "Seuls les enfants baptisés figurent sur le registre paroissial". Ce n ' est que depuis 2002 que les enfants morts à la naissance peuvent être inscrits sur le livret de famille, marquant "la volonté d ' inscrire le fruit du couple, même s ' il n ' a pas vécu, dans une lignée".
"La simultanéité d ' une vie attendue et de la mort advenue plonge les parents dans l ' intolérable et l ' impensable". La culpabilisation n ' est jamais loin.
"On se résignait à la mort physique, mais non à la mort spirituelle".
"Dans une société de plus en plus fortement encadrée par la religion", désespérés, les parents, aidés de toute la famille, priaient alors Dieu, généralement en demandant l ' intercession d ' un(e) Saint(e) ou de la Vierge, elle qui avait enfanté. Ils exposaient l ' enfant dans un sanctuaire, pour demander sa résurrection, juste le temps d ' un "répit", qu ' il puisse être baptisé et lavé du péché originel.
Ce rite avait également l ' avantage d ' aider les parents à "faire leur deuil" de l ' enfant attendu et disparu dès sa venue au monde. "Faire pèlerinage, c ' est également faire pénitence".
La "ligne de crête" entre la vie et la mort a longtemps été incertaine, "dans une société où les frontières entre ce qui est de l ' ordre de la nature et ce qui relève du surnaturel sont souvent floues".
Tout cela se déroulait essentiellement dans le contexte particulier des XVIIe et XVIIIe siècles (même si on signale le premier cas dès le XIIe siècle...et les derniers au début du XXe siècle) : le protestantisme qui dénonçait les superstitions, s ' appuyait sur la parole du Christ : "Laissez venir à moi les petits enfants, le Royaume des Cieux leur appartient", considérait qu ' il appartenait à la volonté divine de décider du salut éternel, face à la "contre réforme" catholique qui voulait montrer la supériorité de la "vraie foi", "afin que nul n ' ignore ce que Dieu peut réaliser", en soulignant le rôle miraculeux de la Vierge. "Les miracles sont au centre de la reconquête catholique".
"Conceptions différentes de la manière d ' être au monde et autre relation à Dieu".
Les "sanctuaires à répit" se multiplient à la lisière des pays gagnés au protestantisme.
"Malheureusement, l ' exposition et le répit sont devenus des pratiques lucratives", allant à l ' encontre des saintes preuves qu ' elles devaient apporter, entraînant leur interdiction à la fin du XVIIIe siècle.
Jacques Gélis, avec qui j ' ai milité au début des années 70, et qui a bien voulu faire de moi un ami, est un spécialiste de l ' histoire de la naissance, auteur de "L ' arbre et le fruit, histoire de la naissance dans l ' Occident moderne". Il s ' est livré à une véritable enquête historique qui montre comment des générations de parents ont fait face à la douleur de la perte de leur enfant.
Cet été, un entrefilet du journal Le Monde nous a appris que le Vatican avait décidé que les "limbes" n ' existaient pas. Avant de devenir Pape, le cardinal Ratzinger avait déclaré : "les limbes n ' ont jamais été une vérité de foi". Depuis le milieu du XIXe siècle, l ' Eglise ne s ' opposait plus à l ' inhumation chrétienne des enfants morts sans baptême.
Tous ces parents se sont inquiétés pour rien du salut éternel de l ' âme de leur enfant mort à la naissance, tous ces enfants ont été temporairement "ressuscités" pour rien...
Mais "le rituel devant la Vierge miraculeuse constituait un exutoire psychique. Quel est aujourd ' hui le rite qui apaise ?" On pense à la phrase de Marx : "la religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, elle est le cœur d ' un monde sans cœur..."
"Devenue rare, la mort périnatale apparaît de plus en plus inacceptable". "Le travail de deuil ne peut s ' apaiser que lorsqu ' un sens est donné à la perte".
"L ' enfant mort né tend à l ' homme un miroir. Cet être au destin brutalement interrompu interpelle chacun sur ce qu ' est l ' espace d ' une vie, sur ce qu ' est la vie."
08:40 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
23/12/2007
Réglez lui son compte (San-Antonio)
San-Antonio
Editions Fleuve noir
Les éditions "fleuve noir" qui ont bercé mon adolescence, ont eu l'excellente idée de republier le premier San-Antonio, écrit par Frédéric Dard en 1949, qui se trouve être l'année de ma naissance (pas de commentaires, merci).
Les voitures roulent, quand elles sont "poussées à fond", à la vitesse hallucinante de 120km/heure, en particulier la "traction avant" du célèbre commissaire !
C'est l'après guerre, et les tickets de rationnement ne sont pas loin dans la mémoire collective.
Les mœurs sont retenues : prendre la main de sa voisine est d'une audace folle, on fantasme sur des "baisers mouillés", dans le cou, et le reste n'est envisagé que dans le cadre du mariage.
San-Antonio a alors 38 ans, âge qu'il conservera tout au long des 175 romans consacrés à ses aventures, écrits par le père, et sur la fin par le fils.
Dans la vie réelle, s'il avait continué à fumer et surtout à boire comme dans ce premier roman, il aurait fait une mauvaise fin...
Probablement qu'à l'époque, il était obligatoire de fumer et de boire comme un alcoolique pour être un homme, un vrai...
Il n'a pas encore de comparses, pas de Béru, pas de Pinuche et il se met dans des situations indignes du coefficient intellectuel qu'il s'attribue, mais c'est pour mieux s'en sortir avec brio.
Les femmes sont des séductrices qu'il séduit, car, bien entendu il est irrésistible avec les femmes, comme face aux criminels les plus endurcis (comme Bob Morane !).
Ce sont toutes des traitresses, sauf une, sans compter sans maman. Elle a toutes les qualités, encore plus que sa maman...
Comme souvent dans les San-Antonio, l'intrigue est secondaire, seule compte l'action...et la verve !
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